9.5.23

La ‘dramédie’ : outil narratif idéal de l’Anthropocène

 

 


 

Mot-valise combinant les mots ‘drame’ et ‘comédie’, le mot ‘dramédie’ nous vient de l’anglais ‘dramedy’…et ne veut pas tout à fait dire ‘comédie dramatique’.

 

Les deux genres, ‘comédie dramatique’ et ‘dramédie’, combinent chacun des éléments de drame et de comédie, bien sûr. Mais la dramédie ne finit pas toujours bien, comme dans le cas des comédies dramatiques. Des fois, elle finit très mal. De plus, la dramédie reste assez souple pour mettre en scène non seulement des histoires d’amour, qui sont le propre de la comédie dramatique, mais toutes sortes d’histoires, surtout les plus tabous.

 

La dramédie met en scène la transgression, la violation des tabous, tout en faisant rire son public. La dramédie n’a pas peur de franchir les limites de la bienséance, mais toujours avec humour afin de ne pas perdre son public.

 

La dramédie est le genre parfait pour cette époque de crises en cascades où l’on ne peut plus faire semblant de ne pas voir ce qui passe. Mais, si nous sommes sans aucun doute en période de crise, une autre certitude est qu’il nous est impossible d’y faire face en fonctionnant en état de crise constant. Cela mène directement au burn-out.

 

C’est là où la dramédie prend tout son essor : le rire nous permet de maitriser ce qui nous fait peur, le rire nous rapproche de l’autre, le rire nous permet de faire des erreurs, le rire nous aide à évacuer notre stress, le rire nous ouvre vers d’autres façons de voir le monde.

 


Le film Don’t Look Up (sujet d’un autre billet de ce blog à venir) est l’une des premières dramédies à s’adresser directement à la crise climatique. Mais d’autres sujets ont déjà été traité sous la forme de dramédie.

 


Comment parler de sexe, de sexualité, de troubles sexuels et d’identification de genres à un jeune public ? Par le biais de la dramédie, bien sûr ! à l’instar de la série Sex Education qui a éduqué toute une génération de jeunes—et leurs parents—sous le guise d’une série drôle qui brisait les tabous.

 


Comment parler du sexisme, de la manipulation, de la violence conjugale et familiale sans faire fuir son public ? Eh bien, en la dramédisant ! comme le fait la série irlandaise Bad Sisters qui éduque son public tout en le faisant étouffer de rire. Plus personne ne pourra dire qu’elle ne comprend pas ce qu’est le ‘gaslighting’ après avoir ri aux larmes des loufoqueries des sœurs Garvey.

 


Dernier exemple délicieux de communication par le rire : le film Bullet Train, sorti en 2022. Film d’action surréaliste et très drôle qui se moque de la ‘white fragility’—que l’on pourrait définir comme l’incapacité de la race dominante à comprendre combien et comment elle pèse de façon totalement destructrice sur les autres—incarnée par Brad Pitt.

 

La dramédie nous permet de sentir le désarroi causé par des réalités douloureuses tout en nous frayant un chemin narratif vers des solutions.

 

Peut-être est-ce non seulement un genre narratif utile, mais aussi une approche à adopter face aux crises de l’Anthropocène : oui, c’est grave et oui on peut en rire. C’est ce qui nous fera nous en sortir.

 

 

Sources images : The New YorkerIMDB, IMDB, IMDB, Sony Pictures